dimanche 24 novembre 2013
Texte Dagara Dakin / Exposition Gac 2013
UN LIEU TROP CHAUD
L’atmosphère tient
ici une place primordiale. Il est le fruit des déplacements multiples à
l’origine des réalisations de Leslie Amine. Il ne s’agit pas d’un simple décor.
Il permet à l’artiste de replacer le visiteur dans un contexte sans lequel tout
ce qui pourra être dit par la suite, tout ce qui pourra être ressenti, ne
pourra être pleinement saisi, encore moins vécu. Paysages et portraits sont les genres qui prédominent, seule une toile
au sujet plus énigmatique dénote. Elle indique un autre aspect de son œuvre. C’est
que tout n’est pas que « luxe calme et volupté ».
La série de
portraits que l’artiste présente ici, quant à elle, est le résultat d’une
résidence à Paris. Dans ce cadre elle a arpenté les rues de la capitale et de
sa proche banlieue et demandé à photographier chacun de ses modèles. Son regard
s’est arrêté sur des personnes d’origine africaine ou antillaise. Jeunes ou
moins jeunes, hommes ou femmes, sont vêtus de vêtements dit « ethniques »
ou au contraire de façon plus mode
actuelle. C’est un choix voulu par l’artiste qui semble s’être intéressée
au contraste qui réside entre ces façons de se vêtir. Les codes vestimentaires
et les impressions qu’ils suscitent, la capacité qu’ont ces mêmes personnes de
passer de l’un à l’autre de ces styles.
Et bien qu’elle
avoue préférer « laisser le visiteur dans une certaine subjectivité par rapport à
cette question », il n’en demeure pas moins qu’elle questionne
l’immigration de ces populations à Paris. D’où le choix de ses modèles. C’est
aussi une manière de s’interroger sur des
concepts que sont : le stéréotype, l’exotisme ou encore la modernité.
À partir de ses
images prises dans les rues parisiennes, d’un commun accord avec les
protagonistes - il n’est qu’à voir les pauses que ceux-ci adoptent pour se rendre
à cette évidence - Leslie Amine a élaboré les portraits que voici en les
replaçant sur un fond constitué de nuées.
Mode de
présentation qui n’est pas sans évoquer celui dont les peintres classiques
avaient l’habitude d’user. À la fois réflexion sur la nécessité de peindre à
l’ère du numérique, ses portraits utilisent également les codes de
représentation qui appartiennent aussi bien au champ de la photographie qu’à
celui de la peinture. La photographie s’étant dès ses origines inspirées de la
peinture.
Enfin, pour rendre
la lecture de ses images moins évidentes, l’artiste s’autorise à les
fragmenter. De la sorte, elle invite le regardeur à recomposer mentalement
certaines d’entre elles. Tout n’est pas donné à voir tout de suite, des
fragments absents se retrouvent plus loin dans l’exposition.
Une manière de
garder l’attention du visiteur. Ce dernier est ainsi invité à appréhender la
proposition comme une énigme à résoudre, compléter un puzzle dont les pièces
manquantes lui sont données à voir au fur et à mesure de sa progression dans
cette atmosphère épaisse dans laquelle évoluent les portraits et paysages de
Leslie Amine.
Dagara Dakin,
Critique d’art et commissaire indépendant
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